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Coup de Coeur

Bertrand, libraire chez TRIBULLES

Muertos nous fait le récit étrange d’une sorte de maladie, qui ramène les morts à la vie. Certains membres de la bourgeoisie d’une petite ville de cette région vont devoir se serrer les coudes pour survivre, malgré la horde de « cavaleras » qui grandit peu à peu, toujours à leur poursuite…
 
Le synopsis est d’une simplicité déconcertante. Oui, il s’agit de zombies, dans les années 20 au Mexique, ce pays qui célèbre la Mort avec tant de classe et de dévouement à travers la Santeria, la fête des Morts... C’est un excellent survival donc, on y voit surgir les archétypes qui font la gloire du genre (et dont on raffole, hein) : la jeune femme indépendante, le prêtre, le médecin, le psychopathe, le traître, etc. On y retrouve aussi cette notion de terre promise, qui ne serait pas touchée pas la maladie. Cerise sur le gâteau, les zombies sont pleinement libres de leurs mouvements, en faisant un ennemi aussi coriace que la faune de 28 Jours Plus Tard. Bref, une belle collection de références au genre qui font plaisir à lire, disséminées avec intelligence et déférence, donc les pouces en l’air wesh.
Mais ce serait se limiter en surface d’un titre qui en a bien plus dans les tripes.
D’une part, ce personnage de jeune femme forte : c’était visionnaire à l’époque de Jamie Lee Curtis dans Halloween, c’est essentiel à notre époque. On trouve aussi le symbole de la jeune femme bafouée qui cherche sa revanche, la jeune roturière n’ayant comme seul recours que la coucherie facile, la vieille bourgeoise coincée…On nous présente une belle brochette de personnages avec des motivations, des codes, des tabous, une logique. On passe allègrement le test Bechdel.
D’autre part, il y a une sacrée métaphore dans cet album, et plusieurs indices sont disséminés, qui font bien ressentir la large distance qui éloigne la bourgeoisie de leurs domestiques et des zombies. Et l’album met bien en scène ces trois parties, qui luttent chacune pour leur intérêt seul et leur survie. La richesse peut être un passe-droit, on peut même parfois payer des gens à mourir pour nous, mais arrive un point où chacun pense à lui, et basta.
Quant aux zombies, les « cavaleras », ils n’ont visiblement plus grand-chose à perdre, ce qui en fait un ennemi de taille…
Il y a quelque chose de malheureusement trop universel et toujours aussi contemporain dans le sujet de l’album. Pour autant, il se diffuse du parti-pris zombie, des dialogues et des interactions entre personnages, de la scène d’introduction (incroyable !) quelque chose qui s’apparente à une ambiance proche de grands films de genre, mais aussi de romans classiques qui utilisent la figure du monstre comme syndrome d’expulsion de certaines populations.
 
Bref, on salue bien bas le travail de Pierre Place, qui se fend en plus d’un style à la Burns sur les magnifiques 150 pages qui composent cette belle baffe qu’est Muertos.

Publié le 3 avr. 2025