Lorsque l’on choisit d’adapter une œuvre littéraire en bande dessinée, il est bon de se poser la question de la nécessité de l’opération. L’écueil réside en une vaine répétition de l’original ou, pire, une tentative de vulgarisation. Il arrive aussi que des adaptations soient hautement justifiées comme La Route dont Larcenet a livré une vision habitée. C’est le cas de De pierre et d’os qui, dès les premières pages, pose les jalons d’une grammaire bandessinesque indispensable à la sublimation d’un texte. Ce texte, justement, Krassinsky se l’approprie et lui offre un écrin allant dans son prolongement, bousculant même l’évocation qu’il suscite.
Uqsuralik, le personnage de la jeune Inuit avec qui l’on traversera le livre, est née de l’imagination de Bérengère Cournut ; voilà qu’elle s’incarne par la magie du dessin de Jean-Paul Krassinsky. Livrée à elle-même, elle devra se faire une place dans l’environnement hostile de l’Arctique et, pourquoi pas, se construire une famille au sein d’une société rude dirigée par les hommes. Ces difficultés qui font le quotidien des Inuits sont renforcées par la justesse des aquarelles qui scandent le récit. Oui, c’est d’une succession de scansions qu’il s’agit : celles qui égrènent les saisons ; celles qui rythment les chapitres et s’agrègent aux chants que les personnages déclament et aux racontars qu’ils proclament ; celles des prières qui engagent la simple survie.
De pierre et d’os dépeint les cycles à travers lesquels nos existences s’organisent ou peinent à s’organiser. Au Groenland, tout s’articule autour des ressources qui permettront aux vivants de passer l’hiver. Ici, ce sont les livres importants qui réquisitionnent notre attention et déterminent les cycles de notre exercice. Celui-ci en est un.